• La came et les diamants. Dialogue

     

    Mon allure d'ange soudoie les douaniers et mon sourire les contrebandiers.

    Et pendant ce temps, avec tes mains aux doigts longs comme des doigts, tu fais disparaître la came et les diamants pour les donner ensuite à ton vieil amant. Il pourrait être ton grand-père et en plus il est irascible, mais c'est plus fort que toi, même si tu te laisses parfois séduire par de jeunes voleurs ou de belles voleuses c'est lui que tu aimes.

    Ma mère ne cesse de me le répéter « cesse donc d'aimer cet amant plus vieux que toi qu'il pourrait être ton grand-père, ouvre donc les yeux ! Ce sont la came et les diamants qu'il veut.
    Mes yeux ouverts ne voient que son image de bellâtre, mes yeux fermés ne sentent que ses mains me caresser. Un jeune voleur vient de passer, je l'ai remarqué. Le vieux mourra dans mes bras, dans moi, sa jouissance sera la dernière. Mes larmes l'imbiberont ce salaud. Je hurlerai ma délivrance à la vue de ses entrailles sanguinolents et me donneront des ailes pour mieux voler vers le jeune voleur.
    Oui, tu l'as remarqué.

    Mais au petit matin tu sortiras de son lit avant son réveil déposant un baiser incertain sur son front épanoui. C'est vers le lit puant de ton bien-aimé fleurant la mort que tu te retourneras contre son corps fripé, que tu te blottiras quand il te dira avec la rudesse de son âge « mais où qu't'as donc été trainer ‘acrée fille de put' ? » Tes lèvres trembleront d'amour et tes yeux brilleront de joie.
    Dans cette agonie splendide il coassera quelque chose, ça te bouleversera, tu arrêteras le vol et tout le reste, tu cesseras cette vie et erreras nue dans les rues. Son regard à la mort t'aura foudroyée, sa voix, bouleversée, ces derniers mots, transpercée plus fort que toute autre matière. C'est à Dieu qu'il parlait et tu as volé cette parole, sa dernière parole.. ton dernier vol.

    Tout ce mystère, ce secret du vieux mort coulera dans mes veines à jamais. Je veux le partager mais rien ne sort, mon flingue et mes apparats ne sont que pacotille.
    Je reste belle avec son aveu à Dieu.
    Départ vers d'autres contrées. Je veux oublier.

    Tes diamants, tu t'ouvres la peau pour les y glisser, ton flingue et tes dernières balles tu t'arraches les yeux avec, tu marches sans but, une piste de sang te rend belle comme une comète, tu es nue, aveugle et défigurée.
    Tous te désirent mais ne peuvent t'atteindre.

    Mes mains rouillées me guident je ne sais vers quel horizon. Je me les suis salies et embellies du sang du vieux, la dentelle blanche de mes jupons l'essuiera bien.

    Tu ne manges plus, ne bois plus et ne dors plus, prophétesse bizarre qui n'intéresse plus que les chiens qui pistent ton sang à ta trace, la folie égare ton esprit et comme la cabale tu deviens dépositaire imparfaite du nom de dieu. Tu baragouines, éructes, mais la vérité se dissimule dans tes élucubrations. Seul celui qui t'aimera et notera nuit après nuit après nuit après nuit tes errances verbales, pourra monter à l'arbre de vie et voir à travers l'océan qui bouche tes yeux. Mais ils ne comprennent pas, sans doute te raillent-ils et sans aucun doute te tiennent-ils pour folle et méprisable. Ceux-là même qui te suivent à la trace et s'abreuvent du sang de tes blessures pareil à des chiens.
    Ceux-là même sont les premiers à ramasser les pierres qui te chasseront de la Cité.

    Moi, la paria, je vous hais, vos entrailles me nourriront et vos pierres ne m'atteindront. Riez, mais riez fort que l'on vous entende et vous reconnaisse en esclaves que vous êtes.

    Hélas comme te voilà perdue, comme ceux qui t'ont aimée, ils peuvent maintenant pleurer ta déchéance. Voilà !
    Toi qui a reçu la lumière de Dieu, tu as les yeux crevés.
    Toi qui a entendu la parole de Dieu tu dispenses des anathèmes à ceux qui te haïssent parce qu'ils ne savent pas aimer.
    En ce lieu qu'il occupe désormais, grande est la tristesse de ce vieux que jadis tu aimas. Sec est ton cœur, froid est ton esprit, ton âme a la sensibilité d'une pierre, maintenant que tu es hors de la Cité, hors de l'humanité, seule face à ton désespoir, le désert te cerne car tes paroles sont sèchent et stériles.

    Plus rien ne me touche tant ma froideur est profonde. Je divague avec cette putain de bouteille à la main. Ma saleté m'est égale. Le jeune qui recevra les diamants me dira que je suis belle, mes yeux s'illumineront pour le voir pleurer de honte d'aimer cette puanteur.
    Je le supplierai de rester, son amour ne peut résister à mon toucher buccale de son pénis en rut.

    Peut-être l'amour ou le désir retrouvé me fera retrouver un semblant de vue. Au début la grisaille sera ma vision et peu à peu la lumière pénètrera mes yeux.
    Peut-être à nouveau, à force d'amour et de désir mes yeux l'irradieront-il, peut être son sexe enragé me redonnera-t-il une voix nouvelle.

    Peut-être par delà la blanche noyade, Dieu émargera-t-il à nouveau.





     


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